JOURNÉE DES FEMMES (NUMÉRO 1) / ROMY FOURNIER
Publié le 08/03/2023
Dans le cadre de la Journée Internationale des droits des femmes du 8 mars, nous vous proposons des interviews de femmes et d’hommes en trois thèmes : « Maman Foot », « Génération Au fil du temps » et « Famille de Foot ». Premier chapitre avec l’arbitre Romy Fournier.
ROMY FOURNIER « MAMAN FOOT »
Pouvez-vous nous décrire votre parcours ?
J’ai commencé l’arbitrage en 2006 à l’âge de 14 ans. J’ai passé près de 5 ans à arbitrer, au niveau départemental, des jeunes des villages voisins, âgés de 10 à 19 ans, au sein du District du Var.
Ensuite, j’ai réussi les examens pour devenir arbitre de la Ligue Méditerranée, et j’ai pu ainsi arbitrer au niveau régional. J’officiais alors principalement lors de matches masculins au centre, des U19 aux Seniors R1 et R2, et j’ai arbitré quelques matches en National en tant qu’arbitre assistante.
L’opportunité ensuite de franchir une nouvelle étape ?
Oui, l’étape supérieure était à portée de main, j’ai donc été encouragée à me présenter aux tests de la FFF pour devenir arbitre Fédérale Féminine. Et c’est durant l’été 2016 que j’ai réussi les épreuves écrites et physiques pour arbitrer le football féminin au meilleur niveau français. Me voilà alors arbitre de D1 et D2 féminine. Cela fait 6 ans que je me déplace dans toute la France pour officier au niveau national.
Pensez-vous que la maternité est un sujet tabou dans le football ?
Oui et non. Cela dépend pour qui. Pour être honnête, j’ai redouté le moment où j’ai annoncé ma grossesse à la FFF pour la première fois. Parce que cela signifiait que j’allais devoir prendre congés et qu’il allait manquer une arbitre pour couvrir les rencontres du championnat de D1. Mais finalement, la nouvelle a été très bien acceptée.
Les mentalités ont-elles changé ?
Je pense que les temps ont changé, tout comme les mentalités. L’évolution du football féminin au cours de ces six dernières années est remarquable. Aujourd’hui, il n’y a pas de limite d’âge pour arbitrer chez les femmes. Il est donc possible d’arbitrer jusqu’à l’âge de 50 ans si nos capacités physiques nous le permettent.
Quelle femme, épanouie dans son foyer, n’aurait pas envie de devenir maman en parallèle de sa carrière professionnelle ? Les sportives de haut niveau nous démontrent que c’est possible ! Nous avons pu le voir récemment avec l’exemple d’Amel Majri : première joueuse française de haut niveau à devenir maman et à rester en activité.
Et du côté des arbitres ?
Nombreuses sont celles qui ont décidé de franchir le cap sans pour autant arrêter leur activité. Parmi elles, certaines sont même internationales ! Et elles arrivent très bien à concilier leur rôle de maman et leur rôle d’arbitre, comme toute femme qui doit gérer un enfant ainsi que son travail.
Personnellement, je vis ma deuxième grossesse, rapprochée de la première, ce qui signifie que j’ai été arrêtée deux fois pour maternité. Pendant cette période, je suis “gelée“, je conserve donc mon statut d’arbitre Fédérale Féminine 1, et je reprendrai au même niveau lors de mon retour, à condition de réussir les tests physiques.
Le temps défini avant de revenir sur les terrains appartient à l’arbitre concernée, chacune reprend l’activité lorsqu’elle s’en sent capable.
En tant qu’arbitre Fédérale Féminine : quelle est la première question que l’on se pose quand on apprend que l’on est enceinte en pleine carrière ?
Dans mon cas, la première réaction a été : « Vais-je pouvoir assurer la rencontre de ce week-end ? » Puis très vite, je me suis mise à compter les mois pour savoir quand je pourrais éventuellement reprendre…
Pour mes deux grossesses, j’ai décidé de continuer à arbitrer pendant le premier trimestre. Je m’en sentais encore largement capable et surtout, j’en avais envie ! Quand on est sportive, notre cerveau nous demande sa dose d’endorphine, et notre corps nous réclame l’activité physique. J’ai eu la chance de vivre très bien mes deux grossesses, au cours desquelles j’ai pu continuer le sport en adaptant ma charge de travail bien sûr. Alors pourquoi s’en priver ?
Au niveau athlétique : Comment revient-on à son meilleur niveau ?
Par chance, je n’ai pas éprouvé de grandes difficultés. En réalité, rien n’est impossible, même après une prise de poids importante (23 kgs), j’ai pu revenir sur les terrains en grande forme. J’avais trop hâte !
J’ai repris les entraînements 3 mois après l’accouchement. Et par chance, mon corps se souvenait. Au début, il ne faut pas être trop difficile avec soi-même. J’ai dû reprendre petit à petit, sans trop forcer. Je dirais qu’il m’a fallu neuf mois pour être à nouveau au top.
D’autre part, j’ai toujours mangé équilibré et dormi correctement. Cela aide beaucoup pour conserver une bonne hygiène de vie.
Comment avez-vous organisé votre entraînement ?
Après mon premier, je m’entrainais dans des conditions idéales, au bord de l’océan, parfois même avec mon fils âgé d’à peine 6 mois, qui dormait en poussette.
J’ai beaucoup misé sur le renforcement musculaire, j’en avais besoin ! Donc 2 à 3 fois par semaine, j’alternais des séances de 30 minutes à 1 heure de gainage poids du corps, kettlebell et pilates. Je faisais également de la coordination et de la vivacité en travaillant avec une échelle de rythme. La course était évidemment de mise, en fond ou en fractionnée, au moins 3 fois par semaine. Au stade, en forêt ou dans le sable. Et enfin, des activités outdoor telles que le surf, le VTT, l’escalade, la randonnée, etc…
Lorsque j’ai à nouveau passé les tests physiques, l’été qui a suivi la naissance de mon premier, j’étais à nouveau enceinte. J’ai pu arbitrer les premiers matches amicaux estivaux ainsi que les premières rencontres du championnat mais j’ai dû m’arrêter à nouveau en octobre 2022, lorsque j’ai décidé que mon ventre devenait trop proéminent pour l’exhiber à la télévision !
Le soutien et l’environnement sportif sont essentiels pour mener à bien sa maternité et son retour. Comment l’avez-vous vécu ?
Tout repose sur l’adaptation et l’organisation. Personnellement, j’ai bien vécu ma vie d’athlète puis ma vie de « maman athlète » parce que je m’en suis donné les moyens, et parce que je ne suis pas seule. Une femme arbitre aujourd’hui a toutes ses chances de percer et de faire une grande carrière car elle sera toujours portée par les instances de football pour l’aider à gravir les échelons.
Durant mes deux grossesses, tous les membres de la Direction Technique de l’Arbitrage sont restés disponibles et n’ont pas manqué de me soutenir dans mes choix, et de prendre de mes nouvelles. Stéphanie Frappart, qui est notre référente, prend le temps de m’appeler tout au long de ma maternité pour savoir comment je vais. Le coach sportif, Franck Doudet, reste disposé à m’aider dans l’organisation de mes entraînements pour revenir au top niveau.
Vous avez pleinement ressenti le soutien des vôtres ?
Ma famille et mes proches me soutiennent énormément depuis toujours dans mon activité d’arbitre et me rendent la vie plus facile pour me permettre de m’entrainer, de m’organiser dans mes déplacements et de me reposer quand j’en ai besoin. Mais, j’ai parfois trouvé le temps long, car j’ai toujours été pressée de revenir sur les terrains et de reprendre ma vie d’arbitre baroudeuse.
Souhaitez-vous aborder un autre sujet ?
Je souhaiterais simplement faire savoir que l’arbitrage féminin, malgré tous les grands progrès qu’il a connus au cours de ces dernières années, grâce au plan de féminisation et à la Coupe du Monde féminine en 2019 en France, reste encore trop peu considéré et beaucoup de progrès sont à prévoir.
Nous ne sommes pas loin de quarante femmes, arbitres assistantes et arbitres centrales de D1 et D2 confondues. Près de la moitié des filles qui arbitrent au niveau fédéral aujourd’hui, sont sous contrat avec la FFF, ce qui leur confère un salaire fixe, et donc, une sécurité professionnelle. C’est un excellent début quand on pense qu’il y a dix ans, l’arbitre centrale ne rentrait même pas dans ses frais lors de certaines rencontres de D1…
Cependant, cela n’empêche pas qu’elles aient toutes un travail en parallèle de leur activité d’arbitre, qui ne serait malheureusement pas suffisante pour vivre. Elles sont donc – contrairement aux hommes – semi-professionnelles.
Un statut davantage précaire ?
Celles qui ne sont pas concernées par ce privilège de contrat, n’ont aucune sécurité alors qu’on leur demande exactement les mêmes performances sur les terrains et en termes d’entrainement et de suivi. Elles peuvent se blesser, ou être en arrêt et ne plus rien percevoir du jour au lendemain. Il faudrait remédier à cette faille pour que les arbitres féminines aient cette sécurité en assurant à toutes, un salaire minimum mensuel.